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LES IDOLES

"Tout est fabriqué, tout est faux,

tout est rendu superficiel"

Interview par Oscar d'Aragon pour Jerk Off
Juin 2023

© Tom Grand Mourcel

Oscar d'Aragon : Quel a été votre parcours ?

 

Les Idoles : On s’est rencontrées au CNSM de Lyon en danse contemporaine. Nous sommes surtout interprètes-danseuses, mais nous avons beaucoup expérimenté ensemble au cours de nos études. Il y a trois ans, pendant le Covid, nous avons décidé de mener ce projet, REFACE. On ne savait pas exactement ce que le projet allait être. On continue notre travail d’interprète à côté tout en expérimentant ensemble. Le projet que nous présentons ici est une extension du projet chorégraphique REFACE.

 

O. A. : Pourquoi le nom Les Idoles ?

 

L. I. : Il est très lié à notre façon de travailler, et à notre envie de se prendre pour d’autres personnes. On passe beaucoup de temps à reproduire les visages de nos idoles, de personnages qui nous attirent. Les Idoles, ça nous est venu tout de suite, aussi parce qu’il y a un côté absurde à ce qu’on fait. On vole des références, les mimiques de certaines personnes. Qui est-ce qu’on admire ? Comment jouer de ces codes-là, comment les détourner et les rendre grotesques ?

 

 

O. A. :  D’où vient cet aspect de grotesque dans REFACE ?

 

L. I. : Le grotesque vient du fait que tout est artifice - la manière dont on reproduit ces images, c’est que du vent. C’est à la fois du réel et de l’irréel, tout est mis en scène. Les émotions peuvent être justes, mais aussi très superficielles. Plus on se rapproche, plus on réalise que tout est fait de scotch ; mais si on nous regarde d’un certain point de vue, on a presque l’impression que ce sont nos vrais visages. Tout est fabriqué, tout est faux, tout est rendu superficiel. Se jouer des images, entre admiration et détournement, c’est ça qu’on appelle grotesque.

 

 

O. A. : Comment l’idée de REFACE  vous est-elle venue ? 

L. I. : Une de nos premières sources d’inspiration était Les Transformations silencieuses de François Jullien, un essai philosophique qui met l’accent sur les évènements transitionnels de l’histoire. Nous voulions mettre l’accent sur toutes ces micros-transformations. Les travaux Nadia Lee Cohen, Cindy Sherman et Claude Cahun ont bouleversé toute l’esthétique du projet. Pouvoir avoir mille visages, changer de peau et devenir quelqu’un d’autre – c’est la base de REFACE.

 

On a deux thématiques : la transformation, le fait de se prendre pour quelqu’un d’autre, mais aussi le fait de se fondre dans une relation à deux. Petit à petit, une relation qui paraît saine peut devenir corrosive si on se perd dans l’identité de l’autre. Une relation peut devenir malsaine si on copie quelqu’un jusqu’à se perdre soi-même.  Ces thèmes de perte d’identité sont très présents notamment dans Mulholland Drive et Persona, dont nous avons sélectionné des screenshots qui nous ont beaucoup inspirées. Toute la pièce est liée à ces micro-images : elle fonctionne un peu comme un montage vidéo qui rassemble des extraits de film, des images issues d’internet, de photos d’identité… On mélange des images qui finissent par se fondre l’une dans l’autre.

 

 

O. A. : REFACE et les Séries ne sont pas ouvertement queer – qu’est-ce qui, pour vous, en font des œuvres queer ?

 

L. I. : Ce projet aborde malgré nous des questions de genre et d’identité, même si on ne se revendique pas comme explicitement politique. On s’est beaucoup inspirées de Rupaul, mais on n’est pas non plus des drags : on a eu envie de trouver notre manière à nous de nous transformer, avec des références et une esthétique propre.

 

 

O. A. : Vous êtes un collectif « hommage » - importance de la référence et de la pop culture dans la culture et l’identité queer ?

 

L. I. : C’est moins lié à la pop-culture qu’à la mémoire, et aux traces qu’on laisse, à ce qui reste de nous après la mort. Ces questions liées à l’image qu’on souhaite présenter aux autres est particulièrement d’actualité avec les réseaux sociaux : comment est-ce que je veux être perçu par l’autre ? On aime beaucoup détourner ça, parce que dans la pièce, on se présente sous des angles parfois monstrueux.

 

 

O. A. : Ce thème de la mort, comment vous l’explorez ?

 

L. I. :  A la base, l’une des inspirations de REFACE est le film de vampire, et notamment Only Lovers Left Alive. On a décortiqué ce film de fond en comble. Récupérer le sang de quelqu’un d’autre pour rester en vie, on a trouvé ça génial ! Il y a vraiment ce rapport entre la photographie et les traces qu’on laisse ; ce qu’on va laisser pour l’éternité. Quelles traces a-t-on envie de garder ? On se sentait très connectées au personnage du vampire, à son côté grotesque, mais aussi sa capacité à se nourrir de l’énergie des autres pour ne jamais mourir. Il ne meurt jamais, mais pour ça, il a besoin de prendre l’énergie des autres, le sang des autres. La photographie, c’est exactement ça : tu ne meurs pas grâce au regard des autres sur toi. 

Sans le sang des autres, le vampire ne peut pas exister : de la même façon, tu existes grâce au regard des autres.

 

O. A. : Quel est le lien entre REFACE, le projet chorégraphique, et les Séries qui en découlent ?

 

L. I. : L’exposition photo met un visage sur ce qui se passe dans notre tête pendant la pièce chorégraphique. Comme tout se passe sur le visage, le seul moyen de mettre certains personnages en avant était de leur tirer le portrait. L’exposition donne un corps à des personnages imaginaires. Il y a différents points de vue dans l’exposition, du plus lointain au plus proche. Ces zooms permettent de donner accès à l’artifice derrière la création, et de laisser le spectateur prendre conscience que tout est mis en scène. On veut vraiment donner accès à la construction de l’œuvre. 

 

O. A. : Que voulez-vous transmettre au public ?

 

L. I. : On voudrait montrer qu’avec un même visage, on peut se transformer complètement et avoir différentes identités. Montrer cette pluralité des identités et mettre en valeur les personnages que les spectateurs ne peuvent pas voir dans REFACE.

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